mardi 2 septembre 2014

La minorité allemande tente de faire entendre sa voix

Article publié dans le numéro 100 de Paris Berlin Juillet-Août 2014 

Comment se démarquer dans un des pays les plus homogènes au monde ? La minorité allemande en Pologne cherche quotidiennement à préserver son identité, malmenée par les violents remous de l’Histoire et les velléités d’assimilation.

Bien que la Pologne soit ethniquement l’un des pays les plus homogènes au monde, des minorités nationales sont reconnues par la loi de 2005 qui garantit des droits linguistiques, culturels et de représentation. Les citoyens qui se déclarent appartenir à la minorité allemande se concentrent principalement dans deux régions : en Haute-Silésie (sudouest) et en Varmie-Mazurie (nord-est). Les estimations varient beaucoup selon les organisations et les intérêts. Ils seraient entre 150 et 300 000 sur le territoire polonais. 


Lors de la conférence de Potsdam pendant l’été 1945, les alliés s’accordèrent sur le tracé de la frontière ouest de la Pologne, définie par la ligne Oder-Neisse. L’Allemagne fut amputée d’une grande partie de son territoire et l’expulsion des populations allemandes qui en résulta reste l’une des pages sombres et controversées de l’histoire polonaise. Cependant, tous ne sont pas partis. Certains sont restés pour des raisons familiales, d’autres parce qu’ils possédaient des compétences, notamment techniques (ingénieurs, agriculteurs), absolument nécessaires dans le contexte de l’après-guerre.

Les “nouveaux” Allemands, des expatriés venus surtout travailler au sein des entreprises allemandes et du personnel de l’ambassade, sont, eux, peu nombreux en Pologne. En effet, les entreprises allemandes se sont établies très tôt après la chute du Mur en Pologne et ont rapidement adopté une politique de recrutement locale, reconnaissant la qualité de la production et le haut niveau des compétences. Selon les enquêtes réalisées par la Chambre de commerce allemande (AHK), au moment de l’adhésion à l’UE en 2004, 70 % des dirigeants d’entreprises allemandes en Pologne étaient des expatriés allemands et 30 % étaient polonais. Depuis, ces proportions se sont inversées. 

Au sujet de ces populations restées sur place après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le député Ryszard Galla, représentant la minorité allemande au Parlement polonais, parle d’une “tragédie”, d’une “renonciation à leur identité”. En effet, sous le régime communiste de la République populaire de Pologne, la minorité n’était pas reconnue, car son existence s’accordait mal avec l’histoire officielle, en particulier la “libération” du pays par l’armée rouge. Parler allemand était souvent mal vu par les autorités et pouvait signer la fin d’une carrière.

Malgré l’assimilation par le système éducatif polonais, la culture et la conscience de ses racines allemandes ont subsisté, surtout dans les cercles privés et familiaux. À partir des années 70 avec l’émergence du mouvement syndical Solidarnosc, les membres de la minorité allemande ont commencé à s’organiser. Après la chute du régime et grâce à la transition démocratique, la minorité allemande a pu enfin être reconnue. Ce ne sont pas moins de sept députés et un sénateur issus de la minorité qui sont élus à la Sejm, la chambre basse du Parlement polonais, lors des premières élections libres en 1989.

Aujourd’hui, Ryszard Galla est le seul élu au niveau national. Il raconte qu’il y avait “un réel enthousiasme au sujet de la minorité lors des premières élections”. L’engouement a ensuite faibli au fur et à mesure des nombreux départs vers l’Allemagne et d’autres pays européens. En effet, il fut aisé pour nombre d’entre d’eux après la chute du Mur et la réunification d’obtenir la nationalité allemande et de céder à la tentation de partir chercher du travail à l’étranger. L’adhésion de la Pologne à l’UE en 2004 n’a fait qu’amplifier ce phénomène.

La minorité allemande est souvent attaquée par la droite conservatrice. Défendant le modèle d’un pays uniforme, elle combat l’octroi de droits et subventions à la minorité, qu’elle considére être des privilèges injustifiés.Les revendications de la minorité concernent surtout l’éducation, la préservation de leur culture et de leur patrimoine. L’affichage public bilingue, la création d’écoles polonoallemandes et la coopération avec l’Allemagne pour le développement économique et les transferts de technologies sont leurs sujets de prédilection.

Dans le cadre de programmes culturels et éducatifs définis par l’Office des Affaires étrangères, les associations représentatives obtiennent des subventions du gouvernement allemand. Les projets sont sélectionnés et réalisés sur le modèle des projets européens. L’une des principales organisations coordonnant les associations locales est le Verband der deutschen sozial-kulturellen Gesellschaften in Polen, dirigé par Bernard Gaida.

La minorité allemande est également devenue un nouveau réservoir de voix lors des dernières élections législatives en Allemagne, les citoyens s’étant vu octroyer le droit de vote même s’ils n’avaient jamais vécu sur le territoire allemand. Depuis, les leaders de la CDU, le parti d’Angela Merkel, ne cessent leurs visites de courtoisie pour récupérer ces nouvelles voix.